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Versailles et la naissance de la ville moderne

La politique foncière de Louis XIV l’amène d’abord à se procurer un terrain de chasse à sa mesure et des jardins pour son divertissement. Cependant la nécessité d’héberger la cour, les serviteurs et les membres du gouvernement à proximité du centre de décisions politiques l’amène peu à peu à façonner la ville moderne.



L’urbanisation de Versailles se produit entre 1670 et 1690, malheureusement dès 1690, la noblesse de cour s’ennuie à Versailles sous le règne de Mme de Maintenon et préfère retourner s’installer dans le quartier Saint-Germain à Paris.

Ce qui fait de Versailles la préfiguration de la ville moderne est la stimulation par le secteur public de l’initiative privée afin que celle-ci prenne le relais. En effet lors de l’installation du Roi au château, celui-ci décide de commander des lotissements à ses architectes et à des entrepreneurs afin que les hôtels ainsi créés soient ensuite revendus à des particuliers. Cela a pour effet de stimuler la demande et très vites les entrepreneurs privés afin que les maçons et les architectes du Roi jonglent entre travaux publics et travaux privés pour le compte de riches particuliers et de la noblesse qui veut acquérir à Versailles. En 1701, Philippe Perrin, un commis voyer réalise un recensement des bâtisses à Versailles il y compte : 543 maisons, 39 hôtels et 4 baraques. Un recensement des tous les habitants est aussi réalisé par « géographes-arpenteurs » que sont De Marne et Vialanne, ainsi il compte 524 parcelles de terrains dont 71 au Roi, 417 à des particuliers et 37 hôtels. Pierre Narbonne, premier commissaire de Versailles recense en 1715 jusqu’à 25000 habitants à Versailles. Ce qui témoigne d’une urbanisation sans précédent puisque l’essentiel des constructions Versaillaises de l’époque ce sont construites en à peine 20 ans. Toute cette stimulation par la construction a un grand impact sur l’économie en termes de valeur crée et d’argent circulant. Etre entrepreneur est un métier florissant.
Au début de la création de Versailles, la plupart des parcelles à bâtir sont cédés par le Roi afin d’attirer des particuliers et les nobles sur le domaine. Cependant, les dons sont souvent recédés par les propriétaires initiaux afin d’en dégager un bénéfice ce qui donne lieu à Versailles à une spéculation immobilière forte.



Le  projet urbain de Louis XIV pour Versailles préfigure les temps modernes car il comporte des règlements  et des servitudes d’urbanisme qui imposent des contraintes inédites aux constructions neuves. En effet, le Roi ne souhaite pas uniquement construire un château qui reflète sa magnificence il veut aussi que la ville nouvelle créée autour de celui-ci reflète la elle-aussi. Ainsi, le Roi ne tolère pas que les rues à l’abord du château soient sales et mal entretenues. Il veut aussi que les maisons soient construites en respectant une certaine harmonie. Ces notions d’urbanisme contrôlée sont totalement nouvelles pour l’époque.

En 1674, l’architecte Lambert dessine le plan d’alignement de Versailles (il a aussi dessiné le plan de Saint-Germain et de Fontainebleau. Le 30 septembre 1676, le Roi fait rédiger une ordonnance codifiant et précisant les servitudes applicables à la hauteur et aux façades des bâtiments. En effet le style de construction doit ressembler à celui du château et les constructions doivent être réalisées en pierres ou en briques et être recouvertes d’ardoises. La hauteur est elle aussi limité à un étage plus des combles et cela dans le but de ne pas gâcher la perspective de la vue depuis le château. Toute construction doit comporter un jardin. Ainsi on peut dire que le Roi impose aux Versailles un style de construction classique et symétrique comme il en a voulu pour le château. Ces servitudes respectent les canons de l’époque de l’académie d’architecture. Afin de veiller au respect de ces ordonnances  des registres sont tenus et des brevets sont délivrés pour les constructions ainsi que des croquis de construction lorsque des parcelles à bâtir sont cédées.  Les grandes rues de la ville sont parfaitement rectilignes et doivent être ornées d’arbres. Le Roi accorde beaucoup d’importances à ceci. Une autre ordonnance du Roi commande le pavage de la majorité des rues de Versailles. Cette pratique est déjà très répandues depuis le Moyen-Age cependant le Roi lui accorde une importance tout particulière afin d’éviter la stagnation des eaux dans les rues et de faciliter les déplacements. Le Roi désire aussi que les particuliers pavent leur voie privé et ceci est à leurs charges. Des intendants sont là aussi nommés afin de vérifier que les ordonnances sont respectées.
Le Roi fait aussi construire une église ainsi qu’un hôpital  et réédifié le couvent qu’il avait fait déplacer.



C’est aussi la naissance des services publics afin que la ville reflète une image d’hygiène et de propreté. Les habitants sont tenues de balayer devant chez eux jusqu’à la moitié de la rue et de rassembler souvent les boues afin que la voie publique reste propre. De nombreux procès-verbaux sont donnés aux propriétaires notamment d’hôtels qui ne respectent pas ces obligations. Par la suite le Roi fait interdire à tous particuliers et entrepreneurs de dégager dans les rues les gravats, immondices et saletés présentes dans la maison comme il est coutume de la faire généralement. Rien ne doit altérer la propreté de la voie publique. S’en suit aussi l’interdiction d’élever en ville des ports et de les laisser errer car ils sont jugés trop sales.

Nait aussi l’éclairage public. Au début, ce sont les particuliers qui sont chargés d’illuminer leurs façades avec des lanternes, cependant nombreux sont ceux qui ne respectent pas l’ordonnance faite. Le Roi refait une ordonnance plus précise : il somme les habitants de poser toutes les huit toises des lanternes garnies de consoles devant leurs hôtels, entre le 22 Octobre et le 22 Mars, quatre chandelles par lanternes dès dix-huit heures sous peine d’une amende de 100 livres.
Les principales voies publiques sont équipées par l’intendance du château elle-même. Cependant malgré les différentes ordonnances et les amendes la plupart des habitants ne respectent pas leurs obligations. Le Roi décide donc de confier l’éclairage public à un entrepreneur qui se charge de mettre ne place les lanternes à la place des habitants.



Le Roi fait aussi instituer un service d’enlèvement des ordures dans la baillage qui passe tous les jours des 7 heures du matin, même les dimanches et les jours de fête. Ce service coûte 10sols la toise. Est aussi créée un service de messagerie entre Paris et Versailles, dans les deux sens, tous les jours, et le profit est assigné au domaine. Le but est de rendre le bourg de Versailles le plus fréquenté possible et donc le plus riche possible par la même occasion. Ce service permet de transporter, paquets, personne, vêtements et marchandises. Tout est enregistré sur un registre pour plus de sureté et une innovation apparait : le transporteur est responsable de ce qu’il transporte. Ce service rapporte à peu près 6600 livres par an au domaine. Les tarifs sont les mêmes toute l’année cependant ils diffèrent selon la présence de Sa Majesté ou non : ainsi lorsque le Roi est présent au domaine le prix du transport est plus cher. Le transport de marchandises à quant à lui un prix unique.

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L’évacuation des eaux pluviales est assurée par deux aqueducs souterrains qui seront complétés par trois autres au fur et à mesure de l’expansion de la ville. Ce dispositif est aussi complétés par l’adduction d’eau potable aux différents points de la ville grâce à des fontaines. Tout cela afin de garantir aux Versaillais la salubrité de l’eau.

Enfin pour assurer la bonne gestion de la ville et assurer l’intendance une administration municipale faites de représentants est créée afin d’administrer la ville et de rapporter les affaires à l’intendant du château. Cette administration prend la forme d’un syndic représentant la communauté des habitants de Versailles. Ce sont seize quarteniers nommés qui s’occupent de rapporter à l’intendance du château.



On peut donc en conclure que Versailles par ses innovations en matière de gestion municipale, d’aménagements urbains et de services publiques apparait comme un laboratoire de la ville moderne.

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